Restitution du rendez-vous du Mercredi 12 mars 2014 sur le sujet : « Directions Juridiques : le marché du recrutement en France et à l’international »
Avec le retour d’expérience de Marie-Pierre Dambly, MARIE-PIERRE DAMBLY SEARCH Comment s’est articulée votre carrière jusqu’à vos fonctions actuelles ? Marie-Pierre Dambly : «Diplômée notamment d’un Joint Degree in French and English law de King’s Panthéon Sorbonne et du CAPA, j’ai une expérience de juriste de plus de dix ans, à la fois en cabinet d’avocats d’affaires et en entreprise, à New-York et à Paris. J’ai ensuite été responsable de l’activité de recrutement juridique et fiscal chez Robert Half International de 1999 à 2006 puis chez Hudson jusqu’en avril 2013, date à laquelle j’ai fondé ma propre structure, Marie-Pierre Dambly Search SARL. Ma spécialité, la recherche de profils juridiques, s’étend désormais activement aux profils d’administrateur indépendant et autres permettant de répondre aux objectifs et exigences de rééquilibrage paritaire des organes d’administration.” Quels messages souhaitiez-vous exposer en priorité lors de votre intervention sur votre domaine d’expertise ? Marie-Pierre Dambly : « J’ai choisi d’ouvrir le propos avec un sujet dont on parle beaucoup en ce moment : la féminisation des Conseils d’Administration en application de la loi Zimmermann-Copé. En résumé, sont concernées les sociétés françaises cotées sur NYSE Euronext ainsi que toutes les sociétés anonymes ( hors SAS ) de plus de 500 salariés, avec un chiffre d’affaires ou un total de bilan de plus de 50 ME. Leurs conseils d’administration ou conseils de surveillance devront avoir au minimum 40 % de personnes du même sexe en janvier 2017 avec un palier de 20% en janvier 2014 , pour les sociétés cotées . Le palier de 20 % a déjà été largement atteint par un grand nombre de sociétés mais le seuil de 40 % va être beaucoup plus difficile à atteindre . Force est de constater, qu’il y a aujourd’hui extrêmement peu de femmes, exerçant aujourd’hui en qualité de juriste, qui occupent un poste d’administrateur indépendant : hors profils étrangers , elles se comptent probablement sur les doigts d’une main , les plus connues étant Dominique de la Garanderie , ancien Bâtonnier de l’Ordre des Avocats , qui est Administrateur de Renault depuis de nombreuses années , Loraine Donnedieu de Vabres , associée chez Jeantet & Associés, qui est administrateur à La Poste et Carole Xueref , Directeur Juridique d’ Essilor , administrateur indépendant chez Ipsen .Il y a toutefois quelques femmes, de formation juridique , occupant aujourd’hui d’autres fonctions, qui sont administrateurs indépendants . Il est intéressant de noter, qu’alors même que la valeur ajoutée des juristes n’est pas suffisamment reconnue, (ce n’est pas le profil de femme qui est recherché en priorité aujourd’hui), un lobby de juristes s’est mis en place sous l’égide du Cercle Montesquieu (Commission « Directions Juridiques au féminin » fondée en juin 2013 , pour promouvoir le rôle des femmes juristes). Un des arguments forts mis en avant est l’évolution dans le rôle d’analyse des risques du Conseil d’administration : celui-ci a besoin d’être dans une démarche organisée de prévention des risques or, les juristes sont de plus en plus « business partners » et souvent au cœur de la compliance qui a pris une ampleur considérable au sein des entreprises , dans les dernières années. La population juridique étant très féminine, les femmes juristes sont donc des candidates très pertinentes. Les mentalités sont en train évoluer sur le sujet mais , avant que cela ne se traduise dans les faits, la route sera longue et les profils susceptibles d’être retenus, rares . Sur ces questions de parité et diversité au sein des Conseils d’Administration , les pays d’Europe du Nord sont en avance , en particulier la Norvège et la Suède mais la France est bien positionnée. Un autre sujet que l’on m’a demandé d’aborder est le passage des juristes entre entreprise et cabinet d’avocats. Le passage entre l’entreprise et le cabinet d’avocats est très courant et en évolution constante depuis plusieurs années, mais il est beaucoup plus fréquent dans le sens cabinet d’avocats vers l’entreprise. Il s’agit surtout de collaborateurs avocats, de tous niveaux d’expérience mais le plus souvent assez senior . Ils recherchent essentiellement un travail moins segmenté que celui accompli en cabinet , moins en « intervention pompier » et souhaitent souvent , aujourd’hui , échapper à la dimension commerciale du métier d’avocat. Dans l’autre sens et au niveau des Directeurs Juridiques , si dans le passé , quelques grands Directeurs Juridiques ont rejoint des cabinets d’avocats, l’évolution du métier d’avocat et les exigences commerciales et financières de chiffre portable, font qu’actuellement, ces mouvements sont rarissimes. S’il y en a , ils se font au niveau de cabinets de niche et c’est l’effet du réseau : ce sont des gens qui se connaissent et travaillent ensemble depuis longtemps ; ils ne sont pas dans une logique d’apport de chiffre portable assortie d’un délai couperet trop rapide. Dans le sens, associés de cabinets vers des Directions Juridiques , ces mouvements sont fort rares ; nous avons tous en tête l’arrivée d’un ancien associé de Freshfields , au poste de Secrétaire Général chez Saint-Gobain et certains échecs retentissants, chez Sanofi par exemple. Ces mouvements sont beaucoup plus courants aux Etats-Unis, par exemple, mais certains mouvements n’ont pas été forcément réussis car l’ancien associé est resté peu de temps en poste . Sur le sujet des tendances actuelles sur le marché des Directeurs Juridiques, je ne peux que souligner l’importance du marché caché qui va de pair avec le caractère essentiel du réseau dans une recherche de nouveau poste. S’agissant du recours à des cabinets de recrutement spécialisés , il est essentiel de distinguer selon l’importance de l’entreprise : si ce sont des entreprises du CAC 40 , il y a quasiment toujours un cabinet de recrutement généralement positionné Executive Search. Hors entreprises du CAC 40, on trouve un mélange de moyens : le réseau , essentiel sur ce marché pour être là au bon moment , les annonces, on en voit de plus en plus , notamment sur LinkedIn , qui a pris beaucoup d’importance sur le marché du recrutement à tous niveaux de postes . il y a notamment de plus en plus d’approches directes via Linkedin . Sont aussi très présents sur ce type de recrutements hors entreprises du CAC 40 , les cabinets de recrutement, pas nécessairement positionnés executive search mais plutôt spécialisés juridique et fiscal et les avocats. Ces derniers ont un rôle important, car ils sont très souvent interrogés lorsqu’un poste est vacant et peuvent être de bons prescripteurs. Globalement, compte tenu de l’étroitesse du marché des Directions Juridiques , le nombre de postes de Directeurs Juridiques qui remonte aux cabinets spécialisés en juridique et fiscal est très peu important ( en moyenne, de l’ordre de deux par an , maximum). En conclusion , sur l’évolution du métier dans le recrutement juridique et fiscal , je soulignerai que , comme dans les relations entre Directeurs Juridiques et avocats , où les Directeurs Juridiques viennent de plus en plus chercher une expertise dans un domaine précis et beaucoup moins confier du travail « tout-venant », chez les recruteurs, les clients recherchent aussi davantage une expertise pour intervenir sur des recrutements très pointus et/ou exigeant une recherche au niveau international , ce qui ne peut être fait via les réseaux sociaux. Qu’avez-vous retenu des réactions du public ? Marie-Pierre Dambly : «J’ai trouvé que le format de l’Agora des Directeurs Juridiques, que je ne connaissais pas du tout, était très convivial et sympathique. Il me semble précieux de faire intervenir des personnalités de l’extérieur. Je suis heureuse d’avoir pu intervenir dans cet échange ; peu de questions m’ont été posées cependant malgré un intérêt que j’ai senti réel de la part de l’auditoire » . Propos recueillis par Karine Dessale